mercredi 6 décembre 2023

L’attachement et ses difficultés

 Cultiver le lien


Nous ouvrons les volets, notre jardin est blanc, des feuilles jonchent le sol. Le tilleul n’a pas fière allure, il montre ses bras frêles et les quelques feuilles qui lui restent. Nous pouvons sourire, pas de quoi s’inquiéter, l’hiver est bien là.Nous regardons notre jardin tous les jours, jamais avec le même regard. Ce buis si vivace qui noircit en plein été, ce n’est pas normal. Il y a eu la chaleur bien sûr mais là il y a un autre problème.

Nous ressentons cette conférence à Tours sur «l’attachement et ses difficultés » comme une visite dans un jardin:il y a d’abord cette jeune pousse qui a eu un jardinier peu attentif: trop d’eau, pas assez, aucuntuteur pour s’attacher et bien pousser, puis, il y a ces plants qui sont nés avec des maladies, enfin, il y a ce jeune arbre qui a su grandir en environnement hostile, mais il a développé de drôles de moyens de défense .

Tout comme un jardinier Sylvie Le Bris nous invite à observer, identifier les difficultés qui freinent la croissance des jeunes pousses, afin de trouver les outils les mieux adaptés pour subvenir à leurs besoins .

L’attitude parentale

Le stress, la peur, la colère, la mésestime de soi, le manque de concentration,l’incapacité à interagir, la tendance à tester sont autant de signes d’ une croissance désordonnée et anarchique et la conséquence d’une réponse inadaptée des parents aux besoins de l’enfant. Parmi ces besoins l’attachement est un besoin vital pour connaître un développement social et émotionnel normal.Ce besoin a été identifié par J.Bowlby et ses conséquences par D.Winnicot. Ainsi on parlera d’un attachement secure ou non secure selon que l’enfant trouve ou ne trouve pas de réponse à ce besoin .L’attachement, dès la naissance c’est avant tout la satisfaction d’un besoin vital et primaire, c’est le terreau dans lequel la plante va s’enraciner avant de croître.Cet attachement se mue en confiance, confiance en soi, confiance en l’autre et va permettre à l’enfant de se développer en harmonie avec son environnement immédiat. 

Cultiver le lien avec l’enfant, c’est établir une proximité pour devenir la figure d’attachement dont il a besoin pour se sentir secure, le tuteur qui va lui permettre de se développer et de s’élever. La bonne attitude du jardinier sera d’être présent dans la continuité, d’écouter, de soutenir, de fixer des limites et un cadre. La croissance de l’enfant n’en sera que plus vigoureuse avec des racines bien profondes, un tronc solide et des ramifications qui pourront s’ouvrir au monde extérieur.


Les facteurs neurologiques

Colère,anxiété, évitement, sont autant d’éléments qui échappent au contrôle de l’enfant en raison de facteurs neurologiques. 

Le jardinier doit cependant composer avec des éléments qui ne dépendent pas du cadre sécurisant qu’il a à offrir. Parfois, le jeune plant arrive avec ses propres fragilités que son nouveau jardin ne va pas suffire à traiter. Ces facteurs «in utero» liés au bagage biologique que lui a laissé son pied-mère (addictions, carences, stress) induisent des comportements qu’il ne peut modifier de lui-même. La réponse du jardinier, ce ne sera pas de sanctionner par une taille sévère. Rien ne sert de punir,au contraire, cela pourrait même faire culpabiliser le «sauvageon». Pour réparer mieux vaut privilégier une taille douce et patiente qui petit à petit par des encouragements, des apprentissages amènera le petit arbre à trouver sa forme, à trouver sa place dans le jardin.


Les stratégies de survies

Enfin, le jardinier peut être surpris par de jeunes plants qui semblent bien s’acclimater: ils acceptent ce qu’on leur donne,ne réclament rien et semblent pousser normalement . Cependant le jardinier ne doit pas s’y tromper. ces plants ne s’attachent pas.En réalité ils se frayent leurs chemins en résistant sans s’intégrer au paysage.C’est le comportement de l’enfant qui cherche à garder le contrôle, à se protéger.L’acquiescement est un «non»à l’attachement. Il ne faut donc pas confondre ce comportement avec la construction de l’attachement, au contraire ce mimétisme connu dans la nature est une résistance à la construction du lien affectif. Face à ce comportement, le parent jardinier doit trouver une voie médiane. Il doit accepter de partager le contrôle, la surveillance du jardin avec son jeune plant pour l’amener à trouver sa place. Le jardinier devra trouver de nouvelles méthodes de culture, lui-même se former à de nouvelles techniques et accepter de ne pas récolter de suite les fruits de son travail.

Le parent patient devra aussi apprendre à exprimer différemment ses émotions pour réduire la pression émotionnelle de l’enfant. En effet, la surcharge émotionnelle fragilise un enfant qui a vécu des traumatismes et peut engendrer la peur, le danger, la honte ou la colère jusqu’à empêcher son apprentissage.


Nous quittons ce jardin avec l’envie d’y revenir avec plus de discernement. A ce stade de notre parcours de l’Adoption nous retenons que des situations doivent attirer notre attention et que nous devons échanger au sujet de nos observations. Notre Maître Jardinier insiste en effet sur le socle parental, ce terrain fertile qui doit offrir une assise solide reposant sur la confiance, le dialogue et la solidarité dans le couple. Enfin nous posons notre regard plus loin que nous mènent les défis de l’Adoption. Ces enjeux s’inscrivent en effet dans un contexte particulier puisqu’ils font résonance avec les évolutions sociétales actuelles qui favorisent des conditions de vie insecure (ruptures-multiplication des figures d’attachement). Plus que jamais cultiver l’attachement est une priorité pour protéger les enfants et aider les familles.


Cédric et Michèle

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