samedi 23 mars 2024

Ciel mes enfants adoptent

 Ce samedi s’est déroulé une conférence sur le thème de l’adoption à la salle Jean Cros à Blois, une conférence en présence de Nathalie Parent. Cette dernière a été présidente de la fédération de l’EFA de 2012 à 2020, elle est également mère adoptive de 3 enfants et conférencière. Elle a également été membre des conseils de famille et du CNAOP. 

Cette conférence s’adresse à toutes les familles adoptives ainsi qu’aux postulants. Ayant pour nom « Ciel, mes enfants adoptent ! », les grands-parents, oncles et tantes, amis etc étaient les bienvenus.

Nathalie Parent, avec son expérience et expertise est revenue sur le parcours pour devenir parent adoptant, sur les besoins et spécificités de l’enfant adopté et sur ce parcours qu’elle a elle-même vécu. Expliquant également son vécu et s’appuyant sur des exemples concrets, elle a répondu également aux questions des participants en insistant sur l’intérêt des échanges entre les participants et elle-même.

La conférence se termine par un temps de questions et d’échanges. 

Pour commencer, Mme Parent distingue aux participants l’enfant « modèle de base » (enfant biologique) de l’enfant adopté (parent à option). 

Ensuite, elle revient sur le parcours de l’agrément. Il ne s’agit pas d’un examen mais d’une mesure de protection de l’enfance. Il s’agit de donner une famille à un enfant qui n’en a plus, de créer un lien de filiation. Les enfants concernés par ces mesures sont souvent des enfants nés sous le secret ou qui n’ont plus de parents. Il peut s’agir d’une adoption nationale ou bien d’une adoption internationale.

Il est important de retenir que l’on part toujours du besoin de l’enfant et on regarde s’il correspond au projet d’un candidat. C’est comme deux pièces de puzzle mais avec deux puzzles différents. 

L’agrément, ce n’est pas chercher des parents parfaits mais évaluer des postulants afin que l’enfant ne soit pas une nouvelle fois abandonné. L’objectif est de construire ensemble une vraie famille, sans ADN en commun. Mme Parent revient sur la différence entre l’adoption et la famille d’accueil. 

Cette évaluation permet aux travailleurs sociaux de définir avec les candidats leur projet (adoption visible ou non, enfant porteur de maladie ou de handicap ou non …). L’objectif est de définir ensemble le champ des possibles, afin que les postulants se sentent parents de l’enfant qui leur sera proposé.

Attention, l’agrément c’est comme le permis de conduire, on peut avoir le permis et ne jamais conduire ! 

Mme Parent présente ensuite les deux voies pour adopter : l’adoption nationale et l’adoption internationale. 

Elle explique que le nombre d’enfants adoptés à l’international baisse chaque année (moins de 200 l’an dernier). Les pays doivent respecter la convention de la Haye pour les droits de l’enfant. Les états doivent commencer par aider les familles à garder leur enfant, malgré la pauvreté par exemple. Les enfants délaissés peuvent également être confiés à leur famille élargie. Par la suite, les pays doivent favoriser l’adoption nationale pour enfin l’ouvrir à l’internationale. En parallèle, le niveau économique des pays augmente ainsi que l’éducation à la sexualité. Tout cela explique cette considérable baisse d’enfants juridiquement adoptables à l’international. 

Ensuite, il y a les enfants pupilles de l’état, qui même s’ils sont juridiquement adoptables, ne le sont pas toujours dans leur tête, l’adoption ne peut avoir lieu avant que l’enfant ne soit prêt. 

C’est le conseil de famille qui fait le travail de protection pour ces enfants pupilles, et qui choisit les futurs parents. 

Mme Parent illustre ses propos : L’abandon pour un nourrisson, c’est comme si nous sautions de 3 000 mètres d’un avion sans parachute. L’enfant a toujours vécu une rupture avec sa mère de naissance, il a été abandonné.

Elle revient sur le nombre important de dénis de grossesse et des comportements parfois à risque de ces mères de naissance au cours de la grossesse. 

La conférencière recommande de film Pupille, de Jeanne Herry, sorti en 2018 afin d’illustrer le parcours d’un enfant né sous le secret. 

Mme Parent revient sur les orphelinats de Ceausescu en Roumanie, qui fort heureusement n’existent plus mais n’ont pas été sans laisser de séquelles psychologiques à ces enfants. Ceci montre l’importance des soins apportés à l’enfant, sans quoi il risque de ne pas s’éveiller comme il le devrait. Le regard et l’attention de l’adulte sont essentiels pour son développement. 

Les enfants abandonnés perdent leurs repères, parfois leur langue, leur climat, la manière dont on s’occupe d’eux … C’est ainsi que lors de l’adoption, l’enfant a besoin de faire cocon.

Cette troisième partie de la conférence est essentielle puisque Nathalie Parent explique aux futures familles élargies l’importance de ce cocon, les premières semaines qui vont suivre l’adoption. À son arrivée, l’enfant ne sait pas ce que sont des parents, ou alors il en a une image négative (parents maltraitants par exemple). Souvent, l’enfant a également du mal à exprimer ses émotions, il ne se sent pas encore sécure. Il doit alors bien comprendre qui sont ses parents et qui va s’occuper de lui, pour toujours. C’est ainsi que dans un premier temps, l’enfant va rester uniquement avec ses parents. Il doit repérer ses figures d’attachement, l’amour ne répare pas les traumatismes. Les parents créés alors un lien de filiation mais les grands-parents quant à eux vont ouvrir les portes de la généalogie. Leur rôle est essentiel également, ils vont construire un lien avec l’enfant. 

L’enfant adopté va souvent venir « attaquer le lien », vers l’âge de 7-8 ans en moyenne avec des paroles un peu choc comme : « tu n’es pas ma mère ». L’enfant a besoin d’être rassuré, le parent peut lui répondre que c’est notre enfant et que nous sommes donc une vraie mère et que nous serons toujours présente, tu restes avec nous tu n’as pas le choix. L’enfant teste pour s’assurer que ses parents sont bien là pour lui.

Mme Parent rassure les grands-parents (et autres membres de la famille élargie) en affirmant qu’ils ne seront pas attaqués, seuls les parents le sont. 

Pendant le « faire cocon », les grands-parents vont pouvoir venir au bout de quelques semaines mais il est important que dans un premier temps ils ne s’occupent pas de l’enfant. Petit à petit, l’enfant va repérer ses figures d’attachement et il va savoir sur qui il peut compter. 

Enfin, Mme Parent dédramatise certains points sur lesquels il ne faut pas trop être exigeant sur les débuts de l’apparentement (nourriture, scolarité par exemple). La rigidité éducative ne fonctionne pas avec les enfants adoptés. 

Elle insiste également sur la préparation nécessaire à faire en amont lorsque l’adoption est visible. Il faut en effet se préparer à de possibles réflexions, de la curiosité ou même parfois des questions très déplacées. Il peut être compliqué d’accompagner un enfant s’il est victime de racisme, si nous ne l’avons pas vécu nous-même.

La conférence se poursuit avec le thème de la recherche des origines. Mme Parent explique que l’enfant peut en avoir envie mais que ce n’est pas systématique. Dans tous les cas, le rôle de la famille adoptive est d’accompagner l’enfant dans ses démarches, de le soutenir et de ne jamais oublier que c’est SON histoire. C’est à l’enfant de décider s’il veut aller rechercher ses origines ou non et du moment opportun pour lui. L’accompagner n’enlèvera rien du rôle et de la place que nous avons dans sa vie, au contraire.

Pour terminer l’après-midi, Mme Parent répond aux questions des participants.

Nous remercions les bureaux de l’EFA 41 et de l’EFA 45 pour l’organisation de cet évènement ainsi que bien sûr Nathalie Parent pour sa venue dans le Loir-et-Cher. 

Natacha et Kevin.



Quelques témoignages des participants.
"Cette journée était magnifiquement organisée. Très riche en échanges très positifs, nous avons passé un moment fantastique.
Pour nous, grands-parents, bien que les enfants aient toujours échangé avec nous, avant, pendant, et après l'adoption de notre petite fille, nous connaissions les informations reçues dimanche, mais nous n'avons pas toujours compris et intégré les raisons du "cocoon" et surtout sa durée qui parfois nous frustrait.
Cette conférence et les échanges qui ont rythmés cette journée nous ont permis d'avancer et de pouvoir avoir la chance d'être de meilleurs grands-parents.
Alors un grand merci à vous tous pour tout cela.
Félicitations pour cette organisation sans faille."
Patricia.

"Merci énormément de ce moment partagé.  
C'est riche d'échanges et ça nous permet vraiment de faire vivre le projet dans cette période d'attente qui est terriblement longue. 
Je nous souhaite à tous de vivre une histoire similaire à ces belles histoires de vie."
Dorothée.

« Je m’appelle Coralie et avec mon mari et l’un de mes fils nous accompagnons Cédric et Michèle à cette conférence. Pour nous c’est cette conférence car nous connaissons l’adoption par procuration, parce que nous connaissons Cédric et Michèle, parce qu’ils nous ont expliqué leur démarche mais nous l’imaginons plutôt que de la vivre. Alors nous avons dit « oui » à cette demande de participation à un pique-nique suivi d’une conférence et nous nous sentons concernés puisque les enfants, les amis, les petits enfants, il est question de nous les péri-adoptants. Alors comment avons-nous vécu cette journée ? Un pique-nique c’est bien, c’est convivial et tout le monde apporte pour tout le monde. On échange, on partage et on parle avec des adoptants, des adoptés, des professionnels de l’adoption et des comme nous qui ne sommes « ni ni » mais si concernés par ce que vivent nos amis. La conférence nous a ouvert tout un spectre de compréhension autour de l’adoption. Nous avons découvert une large variété de situations d’accueils, une meilleure connaissance de la façon de tisser un attachement Parents naturels nous avons pu recouper certains témoignages avec nos expériences personnelles et constater qu’il existe des caractéristiques communes de croissance d’un enfant adopté avec celles d’un enfant biologique. Après tous des enfants biologiques vivent aussi des ruptures, des situations de rejets, d’évitement. L’adoption visible nous a rappelé le racisme vécu par un ami de nos enfants. Nous n’avons donc pas souvent été surpris par ces situations rapportées mais nous avons compris pourquoi elles étaient propres à l’adoption. Conscients toutefois de la particularité de l’accueil d’un enfant par adoption, nous gardons présents à l’esprit l’indispensable période de cocon pour rendre sécure et nous en retenons un certain positionnement pour nous dans ce contexte de réparation du lien, de création du lien. Peut-être que nous aurons un rôle à jouer lors de la recherche des origines si le projet d’adoption aboutit, et sans doute que nous ferons famille avec eux à ce moment. »
Xavier et Coralie.

Un grand merci à tous les participants, ainsi qu'EFA Loiret pour leur aide présicieuse. Et surtout un grand merci à Nathalie PARENT.
N'oublions pas les enfants pour leur patience.